PLFSS 2021: Adapter notre système de santé pour garantir l’accès aux thérapies géniques
L'Usine Nouvelle - Avis d'Expert
NOV. 04, 2020
Alors que les discussions sur le budget de la santé pour 2021 se poursuivent au Parlement, Frédéric Prince, directeur général France de la biotech Bluebird Bio, salue les avancées des derniers mois et appelle à l'amplification des réformes visant à intégrer les traitements innovants au système français.
Plusieurs mesures cruciales pour l’avenir de notre système de santé sont actuellement débattues par nos parlementaires dans le cadre du Projet de loi pour le financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Au-delà des adaptations que requiert la crise que nous traversons depuis l’apparition de la Covid-19, ces discussions aborderont ainsi nombre d’enjeux fondamentaux, et notamment l’accès des patients aux innovations thérapeutiques.
Les thérapies géniques, en ciblant la source de maladies génétiques rares et graves, sont en particulier une source d’espoir pour certains patients, mais également pour l’organisation des soins.
Ces innovations de rupture à visée curative offrent non seulement des perspectives de traitement efficace à long-terme après une seule injection, mais permettraient également une réallocation de certaines des ressources associées aux traitements chroniques actuels. Celles-ci pourraient alors donner de plus amples marges de manœuvre lors de crises sanitaires comme celle que nous vivons aujourd’hui, ou être redirigées vers la prise en charge d’autres pathologies.
Au cours des derniers mois, plusieurs initiatives ont été prises afin de favoriser l’intégration des traitements innovants dans notre système de santé. En janvier 2020, la Haute autorité de santé (HAS) a présenté un "Plan d’action pour les médicaments innovants". En juin, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a proposé, dans son rapport "Charge et produits 2021" de mettre en place un système de paiement à la performance échelonné dans le temps pour les thérapies innovantes. Le PLFSS de cette année s’ajoute ainsi à cette série d’initiative avec une ambitieuse réforme du processus d’accès aux médicaments innovants avant leur lancement officiel sur le marché français (ATU).
Il s’agit d’une étape importante car il y a urgence à réformer notre système de santé, dont les fondements restent inadaptés à la révolution thérapeutique en cours. Huit thérapies géniques et cellulaires ont d’ores et déjà été autorisées en Europe et une quarantaine de nouveaux traitements devraient être disponibles dans les cinq prochaines années selon le Massachusetts Institute of Technology (MIT) [1]. Afin que les patients français puissent en bénéficier le plus tôt possible, la France doit être en mesure d’accueillir sur son territoire ces innovations thérapeutiques ainsi que d’attirer les essais cliniques et tous les autres investissements qui y sont liés.
Toutefois, préparer le système de santé dans ce cadre requiert d’aller plus loin sur cette voie. La construction de mécanismes de financement pérennes et soutenables pour la Sécurité sociale, à travers la mise en place du paiement échelonné dans le temps et conditionné à l’efficacité des traitements, reste une nécessité. De même, la définition d’un juste prix de remboursement de ces traitements doit se baser sur une appréciation de leur valeur réelle, à travers une évaluation médico-économique approfondie qui puisse prendre en compte leurs bénéfices sociétaux.
Il reste ainsi beaucoup de chemin, et peu de temps, aux autorités de santé pour s’assurer que la France bénéficie de ces innovations thérapeutiques. Les initiatives évoquées cette année démontrent leur conscience des enjeux : il ne fait nul doute qu’elles trouveront de nombreux alliés sur leur route pour enfin garantir l’accès des patients aux thérapies géniques dans un cadre soutenable pour le système de santé.
[1] Projections from the existing pipeline of cell and gene therapies: Launches and patient numbers. Massachusetts Institute of Technology (MIT NEWDIGS). Focus Project. 2018.